www.champanelle.net André SIRAMY Saint-Genès-Champanelle 63122 France

Témoignage de Monsieur André SIRAMY,
sur son séjour au chantier de la jeunesse n°41 dans la Loire à PREFOLS,
de juillet 1941 à février 1942.

LES CHANTIERS DE LA JEUNESSE FRANÇAISE

Le premier Juillet 1941, je suis à la gare de Saint-MARTIN-d'ESTREAUX près de RENAISON dans la LOIRE.C'est l'appel des CHANTIERS de JEUNESSE. Groupement 41 - GALLIENI sous le commandement du Colonel NOUTARY.

Mes antécédents m'amenèrent directement au Camp de Formation de Chefs d'Équipe. Le 25 Août 1941, je sortais Major de la Promotion GUILLAUMET, puis Instructeur et je devenais Chef d'Atelier le premier Janvier 1942. Mon congé des CHANTIERS est daté du 28 Février 1942, mais j'étais libéré quelques semaines avant.

Entre le Camp de PREFOLS près des NOES au dessus du barrage de la TACHE et le CHALET des Bois de l'ASSISE, rendez-vous de chasse à 1165 m. d'altitude, au sommet des Monts de la Madeleine, nous avons passé un deuxième très dur hiver. C'est une période de dégel qui soudain nous fit quitter les huttes de branchages de sapin pour redescendre à PREFOLS. Le froid, le manque d'hygiène, l'impossibilité de se laver, la baignoire était le ruisseau "Le SAPE" gelé. Nous étions tous couverts d'engelures, de brûlures du froid et de poux de corps...

J'étais devenu d'une grande patience. J'observais. Je lisais beaucoup quand le temps et la température le permettaient. Je dessinais. Je faisais les illustrations du Journal du Groupement. J'ai vu se dessiner aussi, lentement, en cette année 1941, dans la jeunesse d'alors, les signes, les prémices de la pré-formation du futur réfractaire à la vie du maquis.

Cet état encore prémonitoire va s'accélérer fin 1942 et 1943 quand l'Allemagne manquant de main d'oeuvre va instaurer avec l'accord de VICHY le Service du Travail Obligatoire (S.T.O.)...

Une affiche de la Propagande Allemande montrant une fillette dans les bras attendris de sa mère nous explique .
"Finis les mauvais jours! Papa gagne de l'argent en ALLEMAGNE !"

J'ai vu aussi se dessiner à travers quelques pénibles scènes la volonté de jouissance de certains chefs se considérant déjà de la "Race des Seigneurs" face aux "péquins" (*).

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(*) - Le vulgaire civil selon l'expression du Saint-Cyrien "Toto".

Je suis encore aujourd'hui, toujours bouleversé devant l'attitude du Chef de Groupe n° 9 : JULLY (*) qui fit raser à la tondeuse des jeunes qui avaient bu un dimanche dans un café de Saint-JUST-en-CHEVALET où avaient été dérobés des saucissons... Sous le mât des couleurs, six jeunes à genoux étaient humiliés sous la tondeuse.

Je vois toujours SIMAN, sortir calmement des rangs et aller de sang-froid boxer le Chef JULLY et l'étendre dans l'herbe.

Ce même Chef JULLY me jeta au sol les clés du chalet où je résidais en attendant l'arrivée des permissionnaires du Camp de Formation de Chef d'Équipe. Je refusai de les ramasser, je m'assis dans un fauteuil de son bureau. I1 finit fou de rage par me donner ces clés. Le lendemain matin il m'agressa. Devant les cuisiniers, je l'ai boxé, à mon tour, avec plaisir et les jeunes me débarrassèrent de la louche que je brandissais.

Je n'oublierai encore jamais le regard de ce jeune intellectuel juif apparenté à la famille de célèbres Universitaires REINACH. Devant les assauts passionnés, antisémites, lamentables de l'Assistant au Chef de Groupe du Camp de Formation : SAVARIAU, j'intervins en sa faveur. Je fus sommé par le Chef de sortir. J'opposai un refus. La jeune recrue était affolée par les insultes et de la perte de contrôle totale du futur nazi. En effet plus tard, SAVARIAU en 1945, est arrêté à SIGMARINGEN sous l'uniforme des WAFFEN-SS de la LÉGION des VOLONTAIRES du FRONT de l'EST, la L.V.F. I1 fût plus tard condamné à l'Indignité Nationale à VIE.

Je pense que cette série d'incidents, -Je n'en cite que trois seulement-, décideront de mon attitude. J'étais déjà à 20 ans devenu silencieux mais déterminé. Je ne pourrai jamais aller dans le camp de ces profanateurs de la dignité humaine, des JULLY... des SAVARIAU...

J'étais déjà dans l'autre camp, celui d'Alphonse MADER, du Colonel NOUTARY, du Père DELERUE, aumônier du Groupement 21.

J'avais profondément inquiété ce Père et certains de mes chefs dont deux étaient séminaristes, car sur 88 jeunes du camp, nous étions que trois à ne pas participer à ses Messes. Major de Promotion, Formateur au Camp, je n'étais pas dans la ligne de conduite normale.

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C'était le fils du Général JULLY, Chef des Transports du Q.G. de CHATEL-GUYON.

De suite le Père DELERUE vint s'entretenir avec moi. Je lui dit avec franchise ma position face au problème religieux, l'Église, la Chrétienté, la Foi. I1 comprit ma détermination et la respecta.

Je me considère comme un Chrétien sur le plan de l'Éducation que j'ai reçue et sur le plan de la Philosophie. Autant j'adhère à la PAROLE de PAIX, d'AMOUR, de RESPECT de l'Autre, de LIBERTÉ, - celle des Mains Ouvertes -, que diffusent par ailleurs, les grands SAGES et les JUSTES de l'Humanité... CHRIST... Saint-FRANCOIS-d'ASSISE... autant je m'éloigne de l'Institution CATHOLIQUE, de son appareil.

L'Histoire de l'Église est aussi tissée par CLIO avec des fils d'OR ou simplement de lin soit, mais aussi avec des fils de SANG... les CROISADES, la destruction systématique de l'EL DORADO Indien... l'INQUISITION... les Guerres de Religions...

Toute cette vision infernale au nom et j'oserai dire, sous les Auspices d'un même DIEU ! m'a convaincu que les hommes sont responsables du détournement de la réelle spiritualité. Le Rite est porteur certes, mais ce sont le coeur et la pensée des hommes qui sont les vrais vecteurs.

Ma franchise avec ce vieux prêtre aumônier, qui fut brancardier pendant la Grande Guerre 14-18, fit que nous sommes devenus véritablement amis.

Au point que lorsqu'il apprit que j'avais "outragé" à coup de poings et de louche le Chef de Groupe JULLY c'est lui, avec le chauffeur du Chef NOUTARY, qui est venu me chercher au chalet de l'ASSISE.

- "Mais que s'est-il passé ? ..." "Pourquoi vous êtes vous fait raser le crâne entièrement ? ..."

- Je ne supporte pas l'humiliation... celle qu'ont subie REINACH, les tondus de Saint-JUST... et la mienne. Je ne peux faire autrement que réagir et la violence est un moyen sur l'instant.

Nous eûmes évidemment, pendant le trajet au P.C. des NOES, une longue discussion et je reconnaissais que ma réaction était primaire.

On ne fait pas justice soi-même... La non-violence est une force vraie, profonde...

Le Colonel NOUTARY furieux de m'avoir vu créer cet incident nouveau et devant témoin, finit par m'absoudre. Mais le Chef JULLY ayant fait "déborder le vase" fut envoyé au GROUPEMENT de MURAT dans le CANTAL.

Le Colonel rendit sa justice.

Jusqu'à mi-février 1942 je rencontrai souvent ce Père DELERUE. Nous restions des heures à discuter de Religion, des Evangiles, de Philosophie, d'Arts et de Littératures.

Je lisais à l'époque Jean GIONO, Henry de MONTHERLANT, André GIDE, Charles PEGUY, Alain FOURNIER et les poèmes du Petit B. de René BICHET... J'avais une partie de ma bibliothèque sous la main... et j'écrivais longuement à GRANDE, qui élevait Marielle née le 11 Octobre 1941.

J'aimais recevoir ses longues lettres, j'avais des nouvelles de mon père et de ma mère.

J'aimais aussi en parler à cet homme de Coeur et de Grande Sagesse, ce Père DELERUE dont je garde toujours un souvenir ému.

Le camp de PREFOLS, de formation de chefs d'équipe, au nord des NOES était alors dirigé par le chef de groupe WEIGEL, lieutenant dans l'armée, en remplacement du chef HURE, lieutenant aussi et prêtre disait-on.

Le chef BIBILI, lui, était toujours là.

Est arrivé là, un "Père blanc", le Père WOLFER. Il avait vécu en Afrique en temps que missionnaire. I1 nous passionnait par ses récits. I1 était sympathique mais il n'avait pas la grande classe intellectuelle du Père DELERUE.

La fin de mon stage aux Chantiers de Jeunesse fut ternie par une chute de ski.

Une petite équipe, dont je faisais partie, s'entraînait pour les futurs Jeux de VILLARS-de-LANS, sur de larges croupes de lande qui descendaient sur le barrage de la Tâche.

Notre matériel était des plus frustres. Les "quarts" étaient usés. Je fis une chute sur la "tôle" glacée. Ma cheville luxée et la jambe gauche avait souffert.

On me transporta à l'Hôpital de RENAISON dont une partie des locaux était affectée aux "chantiers".

La promiscuité des malades, oreillons... mélangés aux accidentés, une méningite grave à côté des bronchiteux, une hygiène épouvantable en faisait un lieu de cauchemar que je voulais fuir le plus vite possible...

Une planche sous le bras en guise de béquille, j'avisai un camion des chantiers qui montait sur les NOES.

De là je partis à pied à PREFOLS. La voiture du chef de groupement me croisa. Le Colonel NOUTARY me reconnut, me fit monter.

Il m'interrogea, me demanda de faire un rapport pour l'adresser au Médecin-chef WALTER...

Ce qui fit du bruit d'ailleurs.

On remédia à cette lamentable organisation... On trouva de la place pour isoler les malades, enfin.

A PREFOLS, c'est mon ami d'école Camille LECLANCHE dit "Totor" (le célèbre "BURON" de la RESISTANCE, Martyr de la Milice et de la GESTAPO), qui me massa durant plusieurs semaines deux fois par jour.

Je passai le reste de mon temps à lire, à écrire, à jouer un peu au bridge.

Je ne rentrai chez moi qu'à la mi-Février 1942.

André SIRAMY (1921-2011)

Lors de son séjour à son chantier de jeunesse, André SIRAMY a produit
ces deux magnifiques dessins qui lui ont été inspirés par la vie du camp.

croix repertoriées	59
cartes postales anciennes de la commune	153
cartes postales anciennes hors commune	47
cartes postales anciennes du Puy de Dôme	118
associations recensées sur la commune	216
coupe automobile Gordon Bennett	74